Connaître Le Vrai par l’illusion

بسم الله الرحمن الرحيم

Quand on fait le Dhikr du cœur on inspire, on bloque sa respiration, et on se concentre exclusivement sur les battements de son cœur au niveau de l’aorte, au rythme desquels on égrène intérieurement Le Nom ALLAH ﷻ.

En bloquant sa respiration, on stoppe ce processus vital du corps qui consiste à prendre de l’oxygène et à rejeter du dioxyde de carbone, et d’une certaine manière on meurt : le corps est neutralisé, inerte ; en même temps, par cette apnée, on s’isole, on se coupe du monde matériel.

Ainsi ne reste-t-il plus, par/avec ce battement ciblé du cœur qui à ce moment précis n’a plus rien de matériel (malgré les apparences), qu’ALLAH ﷻ : car le cœur est le siège de Ruh, et son battement (au-delà du pur aspect mécanique, du seul mouvement, du strict phénomène biologique sur le plan de l’apparent Zâhir), en est Le Signe Occulte sur le plan ésotérique – le plan du caché Bâtin.

Parce qu’en s’arrêtant de respirer, en interrompant le processus de ventilation, on s’est éteint comme créature matérielle régie par un mécanisme d’horlogerie : on a fait le Fana ; et ce-faisant, dissipant cette illusion de nécessité vitale qui n’est même pas contingence (comment une illusion, qui par définition n’est pas, pourrait-elle être contingence ?), on est revenu à sa réalité d’être purement spirituel : on est revenu à La Vraie Vie – La Vraie Nécessité (au sens philosophique du terme, au sens de ce qui ne peut pas ne pas être) : LA Nécessité Absolue.

Et on serait surpris, si on pouvait s’observer, du temps qu’on passe parfois dans cet état d’apnée, qui marque le passage de la vie matérielle à La Vie Spirituelle, de la vie du corps à La Vie de L’Esprit – mais quand on s’éteint vraiment dans cet état, on n’est plus là, l’esprit a quitté le corps (ou plutôt le corps a quitté l’esprit si on se place du point de vue de l’esprit), et on ne se rend plus compte qu’on a cessé de respirer, car l’esprit délivré n’a pas besoin de respirer.

Et quand ALLAH ﷻ veut nous ramener à la vie du corps, Il réintègre à notre esprit les sensations par lesquelles ce dernier (le corps) va de nouveau se faire ressentir, et par lui le monde se manifester – car le monde sensible n’a un semblant d’existence que par l’intermédiaire du corps qui l’éveille et qu’il prolonge (quand le corps, lui, n’a un semblant d’existence que par l’illusion des sens) : de nouveau, on va éprouver la sensation d’inspirer de l’air, de l’expirer, on va entendre des bruits et voir des formes du monde extérieur nous donnant l’illusion de son existence (car les sensations du monde précèdent le monde, et pas l’inverse), et ressentir les sensations habituelles du corps comme démangeaisons, courbatures, crampes, etc…

Ces sensations diverses et variées nous indiqueront que le corps est de nouveau associé, appairé à l’esprit ; et que par lui le monde sensible va de nouveau se manifester et s’imposer pleinement – invasif, prenant – avec tous les risques de distraction qu’il comporte/implique.

Mais telle est la règle du jeu, qui caractérise cette étape obligée qu’on appelle la vie terrestre, au cours de laquelle on est censé (re)connaître ALLAH ﷻ : car si en soi – on l’a dit plus haut – ce monde manifeste est d’autant moins nécessaire qu’inexistant, illusoire, il sert toutefois, par sa vacuité, sa béance (qu’on finit toujours, immanquablement, tôt ou tard, par éprouver), à mettre en évidence Ce Qui est Réellement.

Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, il nous faut, pour que L’Unicité d’ALLAH ﷻ Se manifeste et nous apparaisse pleinement, l’illusion d’une altérité multiple, d’une dispersion, de tout un monde qui ne serait pas LUI – à commencer par soi-même en tant que chose perçue (et cette conscience de soi, cette conscience narcissique, c’est l’ego secondaire), ce microcosme illusoire, ce monde dans le monde et même au centre du monde pour certains, par lequel on finit toujours par s’interroger, nécessairement sur le pourquoi, le comment, et sur La Source – quand bien même ce serait pour La rejeter, LUI tourner le dos, La dénier.

Car il faut en passer par l’illusion de l’existence relative, de la petite existence, pour approcher un tant soit peu La Seule Existence – L’Existence Unique, Absolue : ALLAH ﷻ.

Que ce soit pour s’Y précipiter, s’Y anéantir.

Ou pour La fuir en conscience.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut