بسم الله الرحمن الرحيم
Le virus de la poésie est une soif inextinguible qui, dès lors qu’elle nous a pris, ne nous quitte plus.
Cette soif vise une ivresse qui consiste à saisir, à capter, à fixer les secrets les plus obscurs de l’âme afin de s’en délecter : à emprisonner ce feu qui nous consume intérieurement, fait de tous ces tourments, de tous ces vertiges, de tous ces malaises, de toutes ces souffrances indéfinis – mais aussi de tous ces rêves inavouables et autres fantasmes.
La poésie est une quête sans fin de tout ce qui nous habite et anime sans qu’on sache vraiment ce que c’est, de quoi il s’agit – et c’est bien cette méconnaissance, ce mystère qui la rend si frénésique (pas frénétique, mais frénésique).
La poésie est une quête fébrile de soi.
Et à ce titre, comme une vomissure, elle révèle quand elle jaillit la teneur du fond de l’âme ; mais, comme le pus qui sort d’un furoncle ou d’un point noir, elle n’est qu’émanation partielle et donne encore plus envie de presser sur la protubérance ; et plus on appuie, plus ça sort – et ça paraît sans fin.
Et quand le cratère semble enfin purgé et fermé, on n’a qu’une hâte – que s’en forme un autre duquel on pourra de nouveau faire suinter l’humeur visqueuse.
Et pour voiler le caractère malsain de cette quête, on l’habille de prétextes honorables qui vont jusqu’à la quête de Dieu, du Beau, du Vrai…
Mais on sait très bien, au fond, qu’il s’agit de faire les poubelles des tréfonds de l’âme – pas si profonds d’ailleurs.
Ainsi, le poète n’est jamais qu’un égoutier, qu’un curateur de la zone sombre du cœur – car cette exploration malsaine de l’ego n’en revêt pas moins une dimension cathartique.
Et, aussi sordide qu’elle soit, elle permet au moins d’éliminer, ne serait-ce qu’en partie, toute cette fange trop souvent refoulée.
Ou, dans de rares cas, de révéler La Lumière Intérieure.
Car, pourvu que le cœur soit pur, c’est dans de tels cas La Lumière Qui ne demande qu’à jaillir.
Mais les cœurs purs sont d’autant plus rares, que les poètes semblent mettre un point d’honneur à souiller les leurs – pour le seul plaisir d’en extraire la fange.
Faisant de cette activité malsaine – de cette excrétion de l’âme –, et de la perversion qu’elle implique, une fin en soi.