بسم الله الرحمن الرحيم
Certaines voies spirituelles érigent l’amour en condition absolue, et en font même une fin en soi : il faut aimer à tout prix — aimer son prochain, aimer son ennemi, aimer son bourreau, aimer son mouchoir…
Cela donne des comportements excessifs et absurdes, faits de bienveillance affectée et de mièvrerie : on tombe dans la caricature du bienheureux qui aime celui qui lui marche sur les pieds ou lui met une gifle.
Or, ces comportements relèvent de l’hypercorrection et ne reflètent pas la réalité des cœurs, car l’amour ne se commande pas, et on ne peut pas aimer tout le monde ; et c’est ainsi qu’ALLAH ﷻ a créé les gens : avec une sensibilité à l’amour et une sensibilité à la haine, une sensibilité à l’amitié et une sensibilité à l’inimitié, une sensibilité à la sympathie et une sensibilité à l’animosité — car LUI-Même fonctionne sur cette dualité : il est des créatures qu’Il aime plus que d’autres — et même des créatures qu’Il aime moins que d’autres (du moins des créatures auxquelles Il assigne un rôle et une ligne de conduite détestables pour LUI), et on est là dans le registre de la litote.
C’est que ces béats de l’amour confondent amour et miséricorde : si on ne peut forcer son cœur à incliner vers quelqu’un, à aimer un inconnu, on peut en revanche l’éduquer à la miséricorde — et ça passe par l’élévation spirituelle et le rapprochement d’ALLAH ﷻ, car la miséricorde est Son Attribut Premier — et Sa Miséricorde prévaut sur Sa Réprobation.
Il est donc inutile d’en faire des tonnes avec les gens dans le genre amoureux transi : on se contentera dans tous les cas (même en présence de quelqu’un qu’on aime) de faire preuve de retenue et de sobriété ; et si miséricorde il y a, elle se fera sentir naturellement sans qu’il soit besoin de la forcer ; et on préférera l’authenticité à la simulation : si on éprouve du ressentiment envers quelqu’un, il vaut mieux le manifester plutôt qu’un amour affecté qui confine à l’hypocrisie, et qui dans tous les cas finira par entraîner de la frustration avec tout ce que cela peut impliquer.
En d’autres termes, il ne faut pas tricher avec l’amour : on est comme on est, et on se présente avec son état du moment — mais toujours avec cette notion de retenue : on peut manifester son mécontentement, mais sans se laisser aller à la l’excès de la colère (on peut laisser ce chien qu’est l’âme instigatrice aboyer ou gronder, mais on le tient fermement en laisse) ; de même, on peut et doit manifester son amour, mais sans tomber dans des transports outranciers.
Car le croyant est celui qui a la maîtrise de son âme — et ça passe par la maîtrise des émotions et de leurs effets.





