بسم الله الرحمن الرحيم
L’emprise psychologique, qui consiste en un lien spirituel, est le pendant négatif de la Rabita, et elle se traduit nécessairement par une extinction (Fana) : elle conduit à faire les gestes de l’autre, à agir comme l’autre – conformément à sa volonté –, même en son absence physique.
Car comme tout lien spirituel, elle s’affranchit de la présence matérielle de celui qui exerce l’emprise : on n’a plus besoin du corps du pervers pour en avoir peur et faire ce qu’il attend de nous, on est subjugué ; et même sans penser directement à lui, on agit spontanément comme il l’attend, d’instinct, sans réfléchir, car on est conditionné, programmé pour être la manifestation de sa volonté.
Mais ce lien n’aurait pas été possible sans un contact sensible préalable – qu’il s’agisse d’une mise en présence physique directe, ou d’une approche verbale à distance (appel téléphonique, message vocal), ou même d’un écrit (lettre, texto…) qui, pour en être la transcription, n’est jamais qu’une alternative de la parole.
Après, tout se fait par l’esprit – mais il aura nécessairement fallu en passer par le corps qui en est le vecteur : l’expert psychologue judiciaire Jean-Luc Ployé, qui avait dû rencontrer physiquement Fourniret pour l’expertiser, raconte comment la seule vision des mains du prédateur avait pu l’impressionner et préparer le terrain de l’emprise ; et comment il avait éprouvé, après cette rencontre, le besoin viscéral de ne plus revoir le tueur pour justement se défaire de cette emprise naissante – ou du moins pour ne pas lui permettre de s’asseoir ; d’ailleurs, cette rencontre physique avait tellement impacté son esprit qu’il n’avait pas pu travailler plusieurs jours après.
Ainsi, si l’emprise se construit par le contact matériel via les sens, elle se déconstruit, de la même manière, par l’éloignement physique : loin des yeux, loin du cœur.
Encore faut-il être capable de se soustraire à toute interaction avec le pervers en lui fermant toutes les voies d’accès, toutes les portes qu’il pourrait emprunter ; mais plus l’emprise est profonde (profondément ancrée dans le cœur), plus il devient difficile de trouver la volonté de se couper de son bourreau – car une fois que le pervers est entré dans le cœur, il est quasiment impossible de l’en faire sortir (du moins sans aide extérieure), et d’autant plus difficile de résister à ses assauts, à ses multiples entreprises d’entretien du lien.
Et c’est là que doit intervenir la contre-influence, qui seule pourra apporter les ressources nécessaires à la production de cet effort de rupture : si un autre esprit ne prend pas la main libre de la victime pour la tirer à lui, cette dernière sera toujours entraînée par le bourreau qui s’accroche à l’autre main, comme un pit-bull maintient obstinément son mordant sur sa proie avec un acharnement implacable.
Et cette force opposée doit nécessairement être une force d’amour, car seul un amour pur et sincère, désintéressé, peut annihiler une emprise psychologique malveillante, comme la chaleur du soleil fait fondre la glace et libère ce qui y était emprisonné.