بسم الله الرحمن الرحيم
Lors de la Rabita, l’esprit personnel du Murîd vient se fixer sur l’esprit du Murshid.
Il s’agit d’un regard (spirituel) à distance, qui a pour effet, artificiellement, de faire monter l’esprit personnel du Murîd, sur sa propre échelle des Maqamat (l’échelle de Nafs à Ruh), au niveau de l’esprit de Shaykh – pourvu que la connexion soit bien établie, mais ça c’est une autre histoire.
Artificiellement, car dès que son esprit cesse de se porter sur l’esprit de Shaykh, il tend à retomber au niveau où il se trouvait avant de procéder à la Rabita : s’il était au niveau de An-Nafsu Al-Ammara Bi As-Su’i, il finit par y retomber fatalement – à défaut de nouvelle connexion qui non seulement stoppe sa chute au niveau intermédiaire où elle se trouve au moment de la reconnexion, mais encore le fait remonter, toujours artificiellement, au niveau de Shaykh.
Car il n’y retombe pas instantanément mais graduellement – et là réside tout l’intérêt de la Rabita ; et le temps qu’il met à retomber dépend de la qualité et de la durée de la connexion car, au cours de la connexion, il s’imprègne, suivant la capacité de son cœur (tant en termes d’ouverture que de contenance) de la lumière muhammadienne qui émane de Shaykh ; et cette lumière nourrit son propre esprit muhammadien, qui se renforce, se muscle, et joue ainsi de manière plus efficiente son rôle de pompe de l’esprit personnel vers L’Esprit Divin (Ruh) ; mais dès que la connexion cesse, que l’esprit se porte sur le Dunya et les affaires du Dunya, la lumière qui s’était emmagasinée s’échappe peu à peu de ce cœur non colmaté, comme l’air s’échappe d’un ballon ; et non seulement la lumière s’échappe, mais encore le cœur se remplit, en parallèle, selon le principe des vases communicants, des ténèbres du Dunya – du Ghafla, du péché : tout ce que le cœur emmagasine de saleté chasse la lumière, car le cœur est un contenant, et tout contenant est limité en volume ; et s’il se remplit de ténèbres, la lumière leur laisse fatalement la place, car un cœur ne peut pas se remplir à la fois de lumière et de ténèbres.
Par « cœur non colmaté », on entend un cœur qui reste poreux aux ténèbres du Dunya, qui n’est pas hermétique à ces ténèbres, c’est-à-dire un cœur qui n’a pas atteint le Maqam du Baqa – de la permanence avec ALLAH ﷻ où on ne voit plus qu’ALLAH ﷻ ; et c’est justement parce que ce cœur n’a pas atteint et ne s’est pas fixé à son propre Ruh, qu’il ne s’alimente pas encore à sa propre source de Lumière Divine, qu’il doit nécessairement se mettre sous perfusion de la lumière de Shaykh, qui lui fera progressivement atteindre son propre Ruh à force de connexions répétées – si ce n’est d’une connexion constante.
Car, on l’a compris, chaque fois que l’esprit du Murîd se détache de l’esprit de Shaykh, il redescend inexorablement vers le niveau le plus bas, jusqu’à la prochaine connexion qui seule pourra stopper sa chute.
Ainsi, sur cette échelle de 1 à 7 qu’est l’échelle du cheminement, quand le Murîd se connecte à Shaykh, il monte instantanément à 7 (si la connexion est parfaite, sinon il montera à 2, ou 3, ou 4…) ; plus il va rester connecté longtemps, plus il va s’imprégner de sa lumière, et moins la chute sera rapide : s’il reste connecté une demi-heure à 7, son propre esprit muhammadien va se remplir pendant une demi-heure ; au bout de trente minutes, donc, il va se déconnecter pendant douze heures, et pendant ces douze heures d’oubli, de Dunya, son esprit personnel va redescendre progressivement à 1 / 1,5 / 2 / 2,5… selon sa capacité de stockage.
S’il ne se reconnecte pas, il ne sera plus alimenté en lumière muhammadienne, et il retombera fatalement à 1 – voire en dessous (c’est possible !) ; mais en se reconnectant à Shaykh, il va reprendre une décharge de lumière muhammadienne qui va le faire remonter à 7 (toujours en partant du principe d’une connexion parfaite – une connexion sans fuite de lumière, sans distraction).
Sur la base de cette mécanique, de cette logique, on comprend parfaitement que le remplissage en lumière dépend étroitement de la qualité et de la durée de la connexion à l’esprit de Shaykh ; et que, idéalement, seule une connexion constante, non interrompue par des périodes de distraction et de rechute, est en mesure d’amener à son plein rendement l’esprit muhammadien du Murîd, de le gonfler à son maximum, sans perte, et de lui permettre de tirer l’esprit personnel jusqu’à Ruh, définitivement et sans retour possible – c’est-à-dire au Maqam du Baqa.
Il s’agit d’une mécanique imparable, mais dont la difficulté réside dans le fait de l’établissement de la connexion, tant en termes de durée que de qualité : dans 99% des cas, les aspirants disciples ne parviennent qu’à une connexion instable, imparfaite, et qui, du fait de sa porosité, finit par lâcher au bout de quelques minutes.
La Rabita, si elle est constante, doit donc être perçue comme un palliatif, un substitut au Baqa, un pansement spirituel contre l’oubli, le Ghafla ; mais ce rôle doit être provisoire, comme une atèle, le temps que l’esprit, artificiellement élevé à Ruh, s’y fixe en permanence et n’ait plus besoin de cette tutelle, de cette lumière de substitution – si ce n’est par politesse et amour.
Car on n’est pas obligé de jeter comme une chaussette usagée, une fois qu’on sait voler de ses propres ailes, celui qui nous a tenu la main pour apprendre à marcher : bien au contraire, on doit garder sa main dans la sienne et continuer de l’accompagner, ne serait-ce que par reconnaissance, comme un fils accompagne son père jusqu’au bout ; la question de la nécessité ne se pose même pas, et on ne l’aborderait pas si ce n’était pour confirmer et clarifier la chose.
[Quand l’esprit personnel retombe, après une connexion, on peut évaluer sa marge de progrès au niveau intermédiaire où il se trouve, dans sa chute, au moment de la connexion suivante : s’il est retombé à 2 au moment où la reconnexion a stoppé sa chute, alors qu’il était à 1 initialement, on peut considérer qu’il a progressé d’un degré – c’est-à-dire de 1 à 2 ; mais s’il est retombé à sa position initiale, c’est qu’il n’a pas progressé d’un iota et que sa Rabita ne lui a pas été profitable – soit qu’elle aura été trop courte, soit qu’elle aura été trop poreuse aux artifices du Dunya.]
Assalamou aleikoum sidi.
Barakallahou fik pour tes explications très importantes et claires.