بسم الله الرحمن الرحيم
L’esprit personnel centralise la mémoire, qu’il s’agisse de la mémoire des apprentissages, de la science, des informations collectées, des noms, des visages, des rêves, des visions… — et plus particulièrement des sensations (qu’elles soient visuelles, sonores, tactiles, gustatives, olfactives) et des émotions y-attachées : car l’esprit personnel fonctionne comme un ordinateur qui stocke les données reçues pendant la vie, que ce soit la vie purement matérielle, ou la vie spirituelle lorsque par exemple il s’échappe du Nasut pour s’aventurer dans le Malakut ; et il se trouve que la récurrence du péché repose sur la mémoire, sur ce mécanisme d’enregistrement des données.
Dans le cadre du péché, avant même l’enregistrement de toute sensation, le diable suggère par un waswas le fantasme, qui incite au passage à l’acte, et donc à la première expérimentation du péché ; et c’est lors de cette première expérimentation qu’arrivent les sensations propres à l’acte, qui sont enregistrées, mémorisées, stockées sur le disque dur du cerveau.
Autant ces souvenirs peuvent être refoulés (sous l’effet de la honte et du repentir), autant le diable peut revenir à la charge pour pousser à la réitération du péché — et il s’appuie alors sur ces souvenirs qu’il fait remonter à la surface en les rappelant, en les évoquant ; car le diable, qui circule dans le sang, partage forcément ces souvenirs avec l’esprit : le lieu du stockage, comme on l’a vu, est le cerveau, et on sait que le sang (et Shaytan avec lui) circule dans le cerveau, qu’il l’irrigue, et donc qu’il draine et porte ces souvenirs, dans le cœur, jusqu’à l’âme instigatrice qui leur attache le désir et les renvoie à cet autre secteur de l’esprit qu’est la conscience : en d’autres termes, l’âme instigatrice, via le diable, fait remonter à la conscience les souvenirs du péché, avec en plus le désir ; et selon le processus inverse, les anges peuvent se saisir des souvenirs, les faire remonter, dans le cœur, jusqu’à Ruh qui va leur attacher la honte, et les faire redescendre à la conscience de l’esprit personnel, lequel va alors se résoudre, se déterminer au repentir (lequel est nécessairement attaché et conditionné à la honte — la honte devant ALLAH ﷻ).
Ainsi, selon l’orientation du moment de l’esprit personnel, soit les souvenirs sont pour lui une source de réitération du péché, soit ils sont une source de repentir : si l’esprit est tourné vers l’âme instigatrice, et donc vers les diables, ce sont ces derniers qui ont la main et jouent leur rôle, mais s’il est tourné vers L’Esprit Divin, et donc vers les anges, ce sont ces derniers qui prennent la main et font ce qu’ils ont à faire.
Ainsi, si le souvenir peut servir au repentir, il peut tout aussi bien servir à la réitération du péché, et il reste donc un danger permanent : indépendant du péché en soi, qui s’inscrit pour sa part au niveau de Nafs, il n’est qu’une donnée neutre au niveau de l’esprit personnel, qui reste susceptible d’être exploitée à tout moment par les diables au premier relâchement de l’esprit personnel (ce dernier peut très bien s’efforcer d’être tourné en permanence vers Ruh mais, au gré des circonstances de la vie matérielle, il peut être distrait une fraction de seconde et se retourner vers Nafs — ce qui suffit au diable pour s’engouffrer dans la brèche).
Le mieux est donc de purifier ce disque dur qu’est le cerveau de tous ces souvenirs dangereux, comme on désamiante ou déplombe un bâtiment — et là est le défi ; car la mémoire est quelque chose dont le contrôle est extrêmement aléatoire, quelque chose qu’on ne maîtrise pas ou alors superficiellement : ainsi peut-on s’efforcer de refouler les souvenirs, mais ils demeurent et sont susceptibles de remonter à tout moment à la surface ; et quand bien même on aurait purifié le cœur de Nafs, le simple fait que ces souvenirs demeurent, quelque part, plus ou moins enfouis, dans l’esprit personnel, représente un risque permanent de la réactiver ; et c’est pourquoi il est si difficile aux gens qui ont connu le péché de s’en purifier totalement, car il en reste toujours des traces en eux — et des traces compliquées à éradiquer puisque relevant de ce secteur de l’esprit quasi incontrôlable qu’est la mémoire ; et c’est pourquoi il est si important de ne jamais approcher le péché, de s’en préserver, de s’en tenir à l’écart, afin d’en éviter la première expérimentation par quoi se forgent les souvenirs (encore faut-il pour cela être capable de résister à la suggestion initiale du diable) : car une fois que ces derniers sont là, ils demeurent en profondeur, incrustés dans l’esprit personnel, prégnants, et il devient presque impossible de s’en débarrasser.
La seule solution reste un effacement complet, par ALLAH ﷻ, de la mémoire, dans le cadre d’un envahissement complet du cœur par Sa Lumière, qui ne laisse de l’esprit personnel que ses attributs élémentaires que sont le nom générique et l’image de synthèse : car dans ce cas, ALLAH ﷻ Se substitue au proprium, dont la mémoire est ; et dans tous les cas, Il est Le Maître de la mémoire, et on ne retient et oublie que ce qu’Il veut : il convient donc, avant même que de chercher à refouler les souvenirs, et plutôt que de s’en remettre à son effort personnel, de poser l’intention qu’Il les efface, et de L’invoquer en ce sens ; car si l’effacement des souvenirs ne désinscrit pas le péché en amont, n’enlève pas la tache noire du cœur (ça, c’est le travail de l’Istighfar et du Dhikr), il prévient et même réduit à néant le risque de récidive, de réitération, qui se fonde principalement sur les souvenirs et les émotions associées ; émotions qu’on cherche au moins à reproduire, et au mieux à dépasser — car l’âme, boulimique par nature, n’est jamais satisfaite et en veut toujours plus ; et c’est ainsi qu’elle crée toujours plus de souvenirs calamiteux, véritable base de données où n’a plus qu’à puiser le diable pour exercer son office, qui consiste à lui rappeler ces choses pour la tenter à nouveau.
(On précise que les souvenirs ne sont que des éléments sensibles du film de la vie — images, sons, odeurs… — figés dans la mémoire de l’esprit personnel mais de manière altérée, ne serait-ce que par la perception subjective qui en a été faite : c’est ainsi que la mémoire est nécessairement un reflet infidèle de la « réalité » — c’est-à-dire des sensations initiales —, et cette transformation opérée par la subjectivité de la perception est de nature à favoriser la réitération du péché, ou au contraire à la prévenir — selon que la sensation aura été perçue de manière agréable ou désagréable.)