بسم الله الرحمن الرحيم
On s’étonne de voir les pires meurtriers exprimer parfois des sentiments « humains », comme de la pitié, ou de la miséricorde, ou du repentir…
C’est que l’esprit humain non stabilisé peut être tiraillé entre plusieurs états contradictoires et exprimer des personnalités multiples : on a tendance à croire qu’un diable ne peut pas être bon, ou qu’un être vertueux ne peut pas être mauvais – mais c’est méconnaître l’extraordinaire faculté d’étirement de l’esprit personnel, capable de tendre à la fois vers l’âme instigatrice du mal et L’Esprit Divin Ruh en une espèce de grand écart improbable.
Et souvent, on se refuse à croire au bon sentiment de celui qui a commis des actes diaboliques, ou au mauvais penchant de l’être bienveillant (voire « saint »), parce qu’on méconnaît cette multiplicité des états humains qui fait de chacun un être complexe et ambivalent.
Les gens eux-mêmes ne comprennent pas cette duplicité en eux quand elle se manifeste, et souvent on entend les meurtriers parler d’un « autre » qui leur aurait commandé leur passage à l’acte, d’une voix en eux qui leur aurait intimé l’ordre d’agir, d’un autre visage aperçu dans le miroir à la place du leur : on n’a pas conscience de cette multiplicité d’états en soi, qui peuvent se manifester quasi simultanément et donner l’impression que d’autres entités totalement étrangères ont pris le contrôle, alors qu’il ne s’agit en fait que des différents aspects de sa personnalité qui se mettent à clignoter en même temps comme autant de warnings.
Certes, un Jinni peut très bien avoir pris possession d’un homme, se substituant à son esprit personnel et lui faisant accomplir des actes qu’il n’aurait jamais commis seul ; mais le plus souvent, c’est le Shaytan présent dans le sang de l’homme qui, attirant l’esprit personnel vers Nafs, le pousse au péché – alors même qu’il a encore un ancrage à Ruh : en résulte alors ce fameux tiraillement, qui peut rendre fou s’il devient insoutenable de contradiction, créant un conflit intérieur insoluble.
Seuls les gens stables ne sont pas sujets à ce tiraillement – que leurs esprits personnels soient définitivement fixés à Ruh (il s’agit alors d’Awliya), ou irrémédiablement et résolument fixés au plus bas degré de Nafs, c’est-à-dire l’âme instigatrice du mal An-Nafsu Al-Ammara Bi As-Su’i (il s’agit alors de Shayatin – et ceux-là, qui sont constants dans le mal et la transgression, sont pires qu’un tueur en série qui pourra par ailleurs avoir des éclairs de bonté et de miséricorde) ; mais tous les autres individus sont soumis à cet écartèlement de l’esprit personnel, avec plus ou moins d’amplitude selon les cas, ce qui génère des troubles allant du mal être à la psychose, en passant par la névrose, la psychopathie, etc…
Quoiqu’il en soit, il est vraiment nécessaire d’intégrer, si l’on veut avoir une chance de comprendre son prochain, que ça n’est pas ou tout noir ou tout blanc, qu’on n’a pas une personnalité unipolaire, monochrome, présentant un seul aspect exclusif de tout autre, mais bel et bien une personnalité multiple et recelant un très large éventail d’états contradictoires et clivants, et tendant tous vers l’un ou l’autre des deux pôles.
Ce qui explique qu’on ne soit pas unanimement perçu de la même manière par tout le monde : car certains discernent en le même individu tel aspect de la personnalité, quand d’autres ne voient en lui que tel état spirituel opposé ; et pourtant, aucun n’a tort même si chacun est persuadé que l’autre se trompe, car tout cela est bien présent dans le même individu – et bien plus encore.
Et seul le sage est capable de voir cette multiplicité dans une vision unitive car, paradoxalement, c’est bien elle qui caractérise l’être humain dans sa dualité fondamentale (il est à la fois bon et mauvais) telle que l’a voulue son Créateur.
Car sans cette dualité et la tension permanente qu’elle implique, il n’y aurait pas matière à purification, et donc pas de retour à ALLAH ﷻ.