بسم الله الرحمن الرحيم
Le « toi » (l’esprit personnel, le proprium…) est variable jusqu’à la mort, où il se fixe au Maqam auquel il est destiné à aboutir ; avant cette échéance, donc, il oscille de Nafs à Ruh, du monde matériel au monde spirituel, faisant plus ou moins le yoyo entre les deux (l’intensité de cette oscillation varie selon les individus), tant il a vocation à être instable dès lors que l’antagonisme entre Ruh et Nafs s’est durablement établi.
L’isthme entre le monde matériel et le monde spirituel est le Shaykh, qui relie les deux par sa présence à la fois physique et à la fois spirituelle.
Il convient toutefois de franchir le versant matériel du Shaykh et d’atteindre son esprit, sinon on n’atteint pas le monde spirituel.
L’indicateur qu’on a franchi le corps du Shaykh et atteint son esprit (donc qu’on a atteint le monde spirituel), c’est qu’on a identifié son prophète de tutelle, voire qu’on s’est lié à son esprit ; et c’est via l’esprit de ce prophète de tutelle – qu’il s’agisse de Mûsa, de ʿÎsa, de Yûsuf… (عليهم السلام) – qu’on accède à l’esprit muhammadien, car on n’accède pas comme ça, directement depuis l’esprit du Shaykh, à l’esprit muhammadien, et il faut préalablement s’identifier, par certains de ses attributs dont on est porteur, au prophète de tutelle, dont l’esprit fait la jonction entre l’esprit du Shaykh et l’esprit de Sayyidina Muhammad ﷺ ; qui est l’intermédiaire spirituel obligé entre les deux (le prophète de tutelle n’a pour nous de dimension que spirituelle, vu que Sayyidina Muhammad ﷺ a scellé la Nubuwwa et qu’il n’y a plus après de lui de prophètes existenciés ; quant-aux quelques 124 000 qui l’ont matériellement précédé, et qui sont donc nécessairement nos prophètes de tutelle, même si ALLAH ﷻ a interdit à la terre de décomposer leurs corps, leur accès nous est strictement défendu afin qu’on n’en fasse pas des idoles, et on ne peut donc se lier à eux que spirituellement).
Toute la vie matérielle durant, donc, le « toi » va osciller entre Ruh et Nafs, avec une plus ou moins grande amplitude selon les individus ; jusqu’au jour de la mort, qui marque la fin de la vie dans le monde matériel et l’accès au monde intermédiaire (Al-Barzakh), où il va se fixer au Maqam qui lui est destiné de toute éternité :
Ainsi, s’il est voué au degré de Nafs, il s’y trouve précisément, par une synchronicité parfaite résultant de causes prédéterminées, au moment où passe l’ange de la mort (Malak Ul-Mawt) – et il s’y voit alors définitivement bloqué : car c’est bien le degré final qui détermine le positionnement de l’esprit personnel au moment de la mort ; mais si on change de point de vue (si on se place du côté matériel où on ignore forcément ce Maqam final), si l’esprit personnel se trouve au degré de Nafs au moment de la mort, on comprend que c’est là qu’il va définitivement se fixer : c’est alors son positionnement au moment de la mort qui semble déterminer son degré final – mais en fait il ne fait que l’indiquer, le révéler.
Mais l’esprit personnel peut tout aussi bien, quand la mort arrive, être parvenu à l’autre extrémité qu’est Ruh (degré qui, dès la vie matérielle, marque l’accession à La Connaissance d’ALLAH ﷻ), ou à l’un des degrés intermédiaires, comme :
- Le corps du Shaykh (la connaissance physique du Shaykh est un degré en soi ; c’est pourquoi les corps des Awliya, entre autres raisons, restent intacts dans le monde matériel (selon le principe de l’imputrescibilité des corps des martyrs et des saints) : pour accompagner ceux qui restent bloqués au stade de l’occurrence matérielle du Shaykh) ;
- L’Esprit du Shaykh (qui marque l’accession au monde spirituel) ;
- L’esprit du prophète de tutelle (atteindre ce degré, juste au-dessus de l’esprit du Shaykh, n’est pas évident, car on peut très bien être arrivé à l’esprit du Shaykh, et même avoir identifié son prophète de tutelle, sans pour autant s’être élevé au niveau de l’esprit de ce prophète – et encore moins, de fait, à celui de Sayyidina Muhammad ﷺ) ;
- L’esprit de Sayyidina Muhammad ﷺ (qui marque normalement l’accession à la Wilaya, et qui est la porte de Ruh – et on peut très bien être parvenu à ce seuil ultime sans pour autant l’avoir franchi et avoir atteint Les Domaines Divins, l’inverse n’étant pas vraie : on ne peut pas atteindre Les Domaines Divins sans être passé par l’esprit muhammadien).
Tous ces degrés sont donc bien cloisonnés, et surtout bien déterminés dans leur accession (et on parle bien ici de l’accession finale) : le passage de l’un à l’autre, dans la perspective d’un franchissement durable, est loin d’être une évidence (même si des incursions ponctuelles sont possibles et même monnaie courante pendant la vie matérielle, selon le principe de la variabilité de l’esprit personnel durant cette période – mais il y a une différence énorme entre passer par une contrée, la visiter, et s’y établir durablement), et c’est la mort qui, dans tous les cas, vient sceller l’un d’eux comme degré ultime de l’esprit personnel, conformément au destin.
Et il n’y a que La Miséricorde d’ALLAH ﷻ pour infléchir toute la rigueur d’une destinée qu’il a LUI-Même tracée : autrement dit, il n’y a que La Miséricorde d’ALLAH ﷻ pour annuler L’Inflexibilité d’ALLAH ﷻ – et il ne tient vraiment pas à grand chose que le serviteur La suscite, Cette Miséricorde, tant ALLAH ﷻ n’a posé Sa Rigueur que pour le plaisir de L’infléchir et d’exercer Sa Rahma envers Ses Créatures.
Car ALLAH ﷻ est avant tout Ar-Rahman et Ar-Rahim.