بسم الله الرحمن الرحيم
Le signifiant « Ruh », à la base, signifie L’Esprit Divin.
Le signifiant « Nafs », à la base, signifie l’âme instigatrice du mal (que nous appelons également « âme charnelle » — les deux formulations renvoyant au même signifié, au même concept, à la même idée, savoir le degré le plus bas de l’âme humaine).
Ce sont là les deux sens usuels donnés à ces deux termes du vocabulaire islamique — et plus spécialement du lexique spirituel.
Si l’on affine un peu, et qu’on va au-delà des sens usuels (des signifiés) pour se rapprocher des réalités (des référents) que recouvrent ces deux signifiés, Ruh est Ce Qui de L’Esprit Divin est attaché à l’homme : Ruh est bien relatif à l’homme (au-delà de l’idée initiale de Pur Esprit Divin) — mais l’homme dans son orientation et son lien muhammadien avec Le Divin ; et Nafs est ce qui découle de Ruh (au-delà de l’idée initiale d’opposition totale à Ruh) pour En être la partie spécifiquement dédiée au monde matériel, au monde sensible : Nafs est également relative à l’homme — mais l’homme dans son orientation et son lien corporel avec le monde matériel —, et surtout elle dérive bien de L’Esprit Divin Dont elle est (on le répète mais c’est important de le comprendre : elle En est la partie dédiée et consacrée aux attachements matériels).
Comme on le constate, on s’éloigne déjà, là, par des nuances fondamentales, des sens habituels.
Ainsi, par extension du sens usuel (qui n’est en fait qu’un raccourci, qui tient un peu de la métonymie et de la synecdoque en termes de rhétorique), Ruh désigne à la fois (et en réalité) la suite {Esprit Divin > esprit muhammadien > esprit personnel} ; et Nafs, par extension du sens usuel (un raccourci également, relevant du même procédé rhétorique), désigne à la fois (et en réalité) la suite {âme charnelle < corps < esprit personnel} — puis, encore par extension, l’âme humaine dans tous ses degrés d’évolution : car l’âme instigatrice/charnelle (qui n’est en fait qu’un point de départ, un degré initial, un état premier) va évoluer et se transformer en six autres degrés successifs jusqu’à sa remontée à L’Esprit Divin, sous l’impulsion de l’esprit personnel qui l’entraîne (lui même attiré par L’Esprit Divin via l’esprit muhammadien activé à cette fin), chacun de ces degrés marquant une diminution de l’influence du corps jusqu’à son extinction (en termes de sensations produites).
Mais le point de départ de ce que recouvre le signifiant « Ruh », en termes de référent, C’est bien L’Esprit Divin ; et le point de départ de ce que recouvre le signifiant « Nafs », en termes de référent, c’est bien l’âme charnelle/instigatrice du mal ; avec au milieu (entre L’Esprit Divin et l’âme instigatrice) l’esprit personnel, lié à chacun d’eux et qui oscille entre les deux dans un tiraillement permanent — avec toutefois une inclination nettement marquée vers L’Un ou l’autre selon les individus ; sachant que Ruh et Nafs (dans leurs sens réels, étendus) sont de Même Nature, Nafs étant le pendant matériel de Ruh, éphémère comme tel (dans cet état de Nafs) et voué non pas à disparaître, mais à se purifier et à réintégrer Sa Source.
Ainsi, quand on parle de Nafs, on désigne le plus souvent l’âme instigatrice, l’âme charnelle — quand Ruh désigne le plus souvent Le Seul Esprit Divin ; les autres aspects de Nafs (ses degrés d’évolution) sont quant-à eux désignés par leur nom précis (Al-Awwama, Al-Kamîla, etc…) ; et si on veut désigner l’âme humaine dans sa globalité, de manière générique, on utilise également Nafs — et c’est alors le contexte qui permet de savoir dans quel sens on utilise ce terme.
Nafs sert aussi à désigner l’ego — et par ego, il faut comprendre le rapport direct de l’esprit personnel avec le corps sensible ou l’image conceptualisée comme objets d’attention exclusifs (quand une passion lambda implique un objet d’attention extérieur, comme une femme dont on serait amoureux ou une belle voiture qu’on adorerait : même si ça aboutit finalement au plaisir du corps ou à la flatterie de l’image, c’est indirect et ça passe d’abord, nécessairement, par un objet tiers) ; selon que l’objet d’attention de l’esprit personnel est le corps sensible ou l’image conceptualisée, on distingue deux degrés d’ego :
- l’ego primaire : l’esprit personnel qui incline vers lui, dont l’objet est le corps, vise la jouissance de celui-ci dans la satisfaction immédiate de ses besoins élémentaires (manger, dormir, procréer, se soulager, se déplacer, respirer…) — mais sans conscience expresse de soi : ces besoins, qui relèvent d’abord de l’instinct et exigent de la part de l’esprit personnel qu’il s’en acquitte comme autant d’obligations vitales, sont finalement cultivés, avec l’intention du plaisir immédiat que procure la sensation, comme autant de passions — mais sans attention apportée à la conscience de soi : on les satisfait, parce qu’il le faut dans le cadre de l’instinct, puis (outre la nécessité première) parce que c’est jouissif dans le cadre de l’ego — mais sans se contempler dans l’action, car « soi » comme concept n’est pas la finalité, ne cristallise pas l’intention ;
- l’ego secondaire : l’esprit personnel qui penche vers lui, dont l’objet est la conscience de soi, vise plus spécialement l’estime de soi, la satisfaction de soi, et l’attachement excessif à cette notion de « soi » (l’image renvoyée aux autres et à soi-même — qu’elle soit physique, intellectuelle, sociale, spirituelle, etc…) qui peut vite tourner à l’adoration : l’ego secondaire implique que « soi » comme concept, comme image, est une finalité dont l’action n’est qu’un moyen (donner une conférence pour s’écouter parler et être écouté, pour s’admirer et être admiré en train de gloser, plus que pour le fond du discours ; ou souffrir dans une salle de sport pour jouir de l’image que cela va produire, plus que pour se maintenir en forme : l’intention change d’objet, elle implique la jouissance dans l’auto-contemplation plus que l’utilité de la chose, ou même que le simple plaisir de la sensation).
Toutefois, utiliser le terme « Nafs » pour signifier l’ego procède là encore du raccourci — et même de l’approximation facile : car si l’ego relève bien de l’âme instigatrice, il n’en est qu’une composante parmi d’autres — et surtout il dérive de bases initialement liées à l’esprit personnel : ainsi, l’ego primaire, à la base, c’est ni plus ni moins que l’instinct, qui consiste à satisfaire les besoins vitaux du corps (comme s’alimenter pour survivre, ou coïter pour perpétuer l’espèce), et qui est attaché à l’esprit personnel dès sa création (comme le nom générique et l’image de synthèse — mais aussi comme la dotation intellectuelle, les goûts, ou les grands traits de caractère), en prévision du corps qui, à un certain moment, lui sera adjoint sous la forme initiale (et évolutive) d’un fœtus de 120 jours — moment correspondant à sa « sortie de veille » depuis sa création ; mais dès lors que l’esprit personnel fait déborder un instinct du cadre de la stricte nécessité vitale, pour le cultiver comme une source de plaisir (manger pour éprouver le plaisir lié à la sensation de manger, ou coïter pour ressentir la jouissance de l’orgasme), mobilisant à cette fin L’Esprit Divin via l’esprit muhammadien (car il va falloir Toute La créativité de L’Esprit Divin pour d’abord reproduire ce plaisir, puis pour l’entretenir, le renouveler, le sophistiquer…), il génère ainsi la passion correspondante et fait sortir cet instinct de son giron où il était circonscrit, pour le faire chuter au niveau de l’âme instigatrice dans la catégorie de l’ego primaire, parmi les autres passions de même nature (comme la paresse issue de l’instinct matériel vital de se reposer, ou la perversion sexuelle issue du besoin matériel vital de se reproduire) : s’attachant de manière outrancière à cet instinct relevant de lui (de la même manière qu’il s’attache à des choses extérieures du monde matériel, comme la musique ou le cannabis), il mobilise L’Esprit Divin pour le cultiver, et La Part de L’Esprit Divin ainsi Consacrée à la culture de cet instinct, altérée, devient la part de l’âme instigatrice dédiée à cette nouvelle passion ; et l’ego secondaire, à la base, c’est la nécessaire conscience de soi (nécessaire, car elle sous-tend le libre arbitre, et on ne peut prendre conscience du Divin — que ce soit pour L’accepter ou Le refuser — que par rapport à soi), initialement attachée à l’esprit personnel, et qui rejoint l’âme instigatrice sous la forme générique de l’ego secondaire, dès lors que l’esprit personnel en fait une passion, un objet d’adoration, et qu’il recourt à L’Esprit Divin via l’esprit muhammadien pour la satisfaire et la cultiver (et c’est ainsi que l’attachement passionnel à sa propre personne devient un secteur à part entière de l’âme instigatrice — au même titre que la passion des voitures ou l’addiction à l’alcool) : on retrouve notamment dans cette catégorie de l’ego secondaire l’orgueil, le narcissisme, la mégalomanie… ; sur le même principe, les goûts et dégoûts ne sont pas des passions, mais leur ensemble relève à la base d’une dotation arbitraire (aimer le rouge ne se commande pas, comme détester manger des abats) attribuée par ALLAH ﷻ et attachée à l’esprit personnel : mais dès lors que ce dernier transforme et cultive ces goûts en autant de passions (quand aimer le goût du sel, par exemple, tourne au TOC et à la consommation excessive), ou qu’il fait dériver ces dégoûts en phobies entretenues donnant lieu à des développements outranciers (comme la crainte ou le méfiance de l’étranger peuvent tourner à la xénophobie politique, ou comme la phobie d’une espèce animale donne lieu à son extermination systématique), recourant pour ce-faire à L’Esprit Divin via l’esprit muhammadien, il les transforme en passions et les fait tomber dans le champ de l’âme instigatrice ; quoiqu’il en soit, réduire Nafs au seul ego (qu’il soit primaire ou secondaire), bien que cela relève d’un usage courant du mot (surtout dans les langues non arabes qui utilisent volontiers cette traduction facile), et même si ça n’est pas totalement inexact, témoigne d’une certaine lacune dans la compréhension du concept, de la méconnaissance du référent auquel renvoie le mot, et donc pose une limite dans le cheminement vers La Lumière.
Car la bonne compréhension et le bon usage des mots (et plus spécialement de ces mots déterminants que sont Ruh et Nafs), qui participent du principe fondamental de synchronicité en ce qu’ils impliquent une nécessaire précision, permettent de faire correspondre, coïncider le discours avec La Vérité contenue dans le cœur, établissant — comme un reflet — une symétrie parfaite ; de la même manière que le Qur’an est le reflet parfait, tant par sa justesse que par sa beauté, de La Lumière contenue dans le cœur de Sayyidina Muhammad ﷺ, ainsi que La Manifestation du Vrai, par l’assemblage unique des mots qui le composent, par une poétique d’une précision absolue et d’une maîtrise sans pareille.





