بسم الله الرحمن الرحيم
Le simple fait que j’appelle mon Shaykh « Sidi » est une raison suffisante, à mes yeux, pour ne pas lui faire partager ce titre avec d’autres – car il s’agit bien d’un titre.
En d’autres termes, le Maqam du Shaykh lui vaut bien l’exclusivité de cette appellation honorifique.
Sinon, autant appeler tout le monde « Maître », ou « Monseigneur ».
Et d’une manière générale, la banalisation à outrance de ce titre – comme on le voit notamment chez les gens du Tasawwuf – contribue à le dévaluer, et par voie de conséquence à rabaisser ceux qui le méritent légitimement à titre d’attribut.
C’est mettre sur un pied d’égalité tel aspirant, totalement novice, avec ce vrai Sayyid qu’est le Walî.
Tant qu’on y est, autant utiliser pour le commun des mortels les formules d’eulogie réservées au seul Prophète ﷺ.
En outre, le fait que les gens du Tasawwuf s’appellent tous entre eux « Sidi », ne fait que marquer une certaine distanciation avec le reste de la Umma : « Nous, ne sommes pas comme vous, nous sommes des « Sidi » ! » ; même si ça n’est pas dit comme ça, aussi explicitement, c’est implicite.
Et c’est surtout effacer un tant soit peu le lien fraternel qui doit unir les musulmans entre eux : qu’on s’imagine appeler son frère de sang « Monsieur », et on prendra toute la mesure de la distance que ça pose soudain avec cet individu qui a partagé avec soi le même ventre maternel ; d’un coup, on n’est plus du même monde.
Aussi, il faut revenir à la raison et délaisser cette fantaisie langagière pour le moins précieuse, qui n’est pas sans recouvrir une certaine pédanterie doublée de hauteur – voire d’orgueil.
Laissons donc l’appellation « Sidi » aux vrais Sada, et revenons à la fraternité de bon aloi, faite de simplicité et de proximité.
Nous ne sommes pas une élite ou une aristocratie, mais des frères avec le même père spirituel, Sayyidina Muhammad ﷺ.
Et qu’on ne vienne pas me dire que c’est une marque de respect ou de déférence envers son frère : déjà, c’est de la flatterie inutile qui ne peut que contribuer à gonfler l’ego ; ensuite – et surtout –, c’est une façon de se distinguer, de se démarquer, de se mettre en valeur.
Une forme de prétention.
Non, vraiment, cette pratique est détestable.